"Une appréciation critique de William Hope Hodgson" – Clark Ashton Smith.
(traduction-inédite en français-par l'auteur du site)
" Parmi ces écrivains de fiction qui ont élu domicile dans les territoires peuplés d’ombres et limitrophes de l’existence humaine, William Hope Hodgson mérite certainement une place aux côtés de ceux – très rares – qui abordent le traitement de pareils sujets avec authenticité. Par elle-même, son écriture, comme l’affirme justement M.Lovecraft, est inégale quant à ses mérites stylistiques, mais il serait impossible de dénier le rang de maître à un auteur qui, volume après volume, a établi avec une telle autorité une "qualité" qu’on pourrait dénommer le réalisme de l’irréel. D’une certaine manière, c’est à l’oeuvre d’Algernon Blackwood que celle de Hodgson se compare le plus spontanément. Pourtant je ne suis pas sûr que Blackwood lui-même ait réussi à transmettre le sentiment d’une aussi profonde et insinuante familiarité avec l’occulte que l’on trouve dans « La maison au bord du monde ». Les apparitions hideuses et monstres inconnus surgis du sombre abîme sont ici esquissés dans toute leur terreur sans dévoiler leur mystère originel ; et il ne fait pas de doute que de telles choses ne pouvaient être décrites que par un devin ayant longtemps séjourné à la lisière des périlleux précipices et très profondément scruté les régions que l’invisibilité voile au regard profane.
Toutefois, bien que représentant probablement le travail de Hodgson le plus abouti et le moins entaché de défauts, « La maison au bord du monde » est loin d’être son unique accomplissement. Dans toute la littérature, il est peu d’œuvres aussi intensément remarquables, aussi purement créatives que « Le Pays de la nuit ». Quels que soient les défauts que ce livre peut avoir, quelque demesurée que puisse être sa longueur, il marque le lecteur comme étant l’ultime saga d’un cosmos agonisant, la dernière épopée d’un monde assiégé par une nuit éternelle et par les rejetons indescriptibles engendrés par ces ténèbres. Seul un grand poète aurait pu concevoir et écrire cette histoire ; et il n’est peut-être pas illégitime de s’interroger sur la part de prophéties réelles mêlées à la poésie.
Les livres susmentionnés sont selon moi les chefs-d’œuvre de M. Hodgson. Cependant, la première partie des « Canots de Glen Carrig » maintient un niveau comparable de puissance imaginative, et on regrette que les marins naufragés s’évadent si vite de la dimension maligne et mystérieuse au sein de laquelle ils ont été entraînés. On peut aussi accorder un éloge plus que formel aux « Pirates fantômes » qui constitue véritablement un des rares récits fantastiques d’une certaine longueur qui soient réussis. Son raout de spectres horribles et obstinés suivront le lecteur bien après qu’ils se furent emparés du vaisseau hanté.
Il faut espérer qu’une œuvre d’une aussi exceptionnelle puissance finisse par gagner l’attention et la renommée auxquelles elle a le droit. Il est sûr que les aléas et la fatalité jouent un rôle majeur dans de telles affaires et maints livres et œuvres d’art méritoires sont encore ensevelis dans l’obscurité. Hodgson, bien que peu connu, est en bonne compagnie. Combien, même parmi les amateurs de fantastique, ont entendu parler du génie imaginatif de l’artiste John Martin ou de celui pareillement puissant et macabre du grand poète Thomas Lovell Beddoes ? "
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Extrait de "Epouvante et surnaturel en littérature" par H.P.Lovecraft
" De qualité stylistique assez inégale, mais parfois d'une extrême puissance dans la suggestion de mondes et d'êtres embusqués derrière la surface habituelle de la vie, l'oeuvre de William Hope Hodgson est beaucoup moins connue aujourd'hui qu'elle mériterait de l'être. En dépit d'une tendance à des conceptions sentimentales et conventionnelles de l'univers et des relations de l'homme avec ce-dernier et avec ses semblables, Mr Hodgson est peut-être le seul après Algernon Blackwood à envisager sérieusement l'irréel. Rares sont ceux qui comme lui savent faire pressentir la proximité de forces inconnues et de monstrueuses entités menaçantes, par des allusions fortuites et des détails insignifiants, ou à communiquer le sentiment du spectral et de l'anormal à travers telles régions ou tels bâtiments."
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Extrait de "William H.Hodgson, biographie critique" de Sam Moskowitz
Après avoir qualifié de magistral "Une horreur tropicale", le deuxième conte publié par Hodgson, Moskowitz s'interroge sur l'origine de ce coup de maître précoce :
" Comment cela s'est-il passé? D'où un marin autodidacte, monsieur muscle et photographe a-t-il tiré les techniques et le talent pour écrire une oeuvre d'horreur aux effets si dramatiques, qui n'était apparemment que son deuxième essai en matière de fiction, écrit à l'âge de 27 ans! La seule réponse possible est qu'il y avait une étincelle de génie en W.H.Hodgson."
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Extrait de "Atlas des brumes et des ombres" de Patrick Marcel
" Hodgson n'est pas un styliste irréprochable et l'on ne sait trop si la structure parfois désordonnée de certains ouvrages est entièrement voulue par lui. Mais elle sert à merveille la vraisemblance du propos.(...). On peut juger que l'auteur a la main plus lourde avec ses histoires d'amour et leurs excès sentimentaux, d'autant plus que Hodgson en fait un emploi répétitif : leitmotiv de La Maison au bord du monde, l'histoire d'amour devient le moteur du Pays de la nuit. Restent une atmosphère d'horreur très efficace et des images d'une force indéniable."
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